Rougebec : « Et maintenant priorité à la vie de famille »

Il va falloir s’y faire. Désormais, on ne verra plus le bouillant Thomas Rougebec entrer dans l’arène de Tonnellé, tel un taureau furieux à la tête de ses troupes. A 31 ans, le capitaine emblématique de l’UST a décidé de tourner la page pour mieux se consacrer à sa femme et à son petit garçon. 

Sans le savoir, sa dernière sortie aura été lors du derby face à Chinon (25-8), le 25 octobre 2020. La suite se résumera à une saison tronquée en raison de la crise sanitaire. Quand le championnat s’est arrêté pour ne jamais reprendre,Tours et Rougebec étaient leaders invaincus. Les rêves d’accession en Fédérale 2 étaient permis. Pas plus que Franck Cohen, l’entraîneur, dont il était très proche, Rougebec n’attaquera la prochaine saison, à l’étage supérieur, où le club a été promu sur invitation. Chacun, pour des raisons différentes, a préféré prendre du recul.

Biet et Soulié étaient au courant. Dirigeants et staff ont bien tenté de le faire changer d’avis. Peine perdue, Thomas ne reviendra pas en arrière. « C’est la fin, raconte l’enfant de Berthenay d’une voix ferme et décidée. Au début de la saison dernière, j’en avais parlé à mes potes de toujours, Bastien (Biet) et Thomas (Soulié), avec qui je partage tant de moments conviviaux. La crise sanitaire n’a rien à voir. L’heure est venue de ranger les crampons. Je regrette simplement de finir de cette manière, sans un match d’adieux à l’issue duquel j’aurais pu remercier et dire au revoir à mes amis et aux fidèles de Tonnellé. C’est une suite logique, enchaîne Rougebec. Nous évoluons à un niveau amateur, qui nécessite de plus en plus d’investissement. Aussi, je préfère stopper avant que mon corps ne coince. Il y a un temps pour tout. Le rugby, j’en ai bien profité. Je suis satisfait de mon parcours, avoue la pierre angulaire du pack orange et bleu depuis bon nombre d’années. Certes à 31 ans, je ne suis pas vieux, mais j’avais de plus en plus de mal à me tirer du lit les lundis matins. A 25 ans, ça cabossait beaucoup plus mais je récupérais vite, le lundi soir j’étais déjà remis, confesse cet indiscutable titulaire. La trentaine passée, je mettais plus de temps à refaire surface. »

Avant d’attaquer une nouvelle tranche de vie, Thomas a accepté de se raconter.

Quinze ans à l’UST. « Curieusement, j’ai attaqué par le foot à Savonnières, où jouait mon père, Pascal. Il entraînait. De 6 à 15 ans, j’ai marché sur ses traces. Un beau jour, Papa s’est rendu compte que mon énergie, ma finesse n’étaient pas trop en adéquation avec le sport pratiqué. Voilà pourquoi il m’a emmené à Tonnellé. C’était en 2005, j’avais 15 ans. William Beaufils, le père de Baptiste, Eric Ducellier et Olivier Boulier seront mes premiers éducateurs à l’école de rugby. Très rapidement, ils m’ont donné le goût du combat et de l’effort. Cela correspondait tout à fait à mes attentes. Ça a était une révélation. Après, j’ai enchaîné tranquillement jusqu’au jour où, à 18 ans, en 2008, Martial Carrière m’a lancé dans le grand bain. J’ai effectué quelques piges en Fédérale 1, puis deux saisons en Fédérale 2. »

Court passage à Chinon. En seize ans de carrière, Rougebec fera une infidélité d’une saison à l’UST. Lors de la saison 2011-2012, où Tours descendait en Fédérale 3. « Je venais de finir mes études, se souvient Thomas. Chinon m’a fait une proposition pour un boulot j’y suis parti en honneur. » Cet épisode ne sera pas une réussite. Un an plus tard, Guillemet et Tavard prennent les rênes et Thomas revient dans le club de son cœur, qu’il ne quittera plus. Il connaîtra les bons et les mauvais moments. Quatre ans en Fedérale 2 et cinq en Fédérale 3.

Un parcours fabuleux en 2017. « Cette saison restera mon meilleur souvenir, estime Rougebec. Pour des raisons financières, nous savions que nous ne pourrions viser l’accession. Lors de la première phase, nous terminons premiers de poule avec une seule défaite au compteur. Après un parcours sans faute en phases finales, nous tombons en finale devant Périgueux (46-6) à Saint Jean d’Angély. Ce titre de vice champion de France constituait une merveilleuse récompense pour notre bande de copains, mais il manquait le bonheur de monter… »

Deux derbies noirs. « A l’inverse, l’enchaînement des deux derbies perdus devant Poitiers (20-16) et Chinon (20-18) en 2019-2020 restera mon plus grand regret. Pour couronner le tout, je prend un rouge. Je n’étais pas fier. Nous avions tous la gueule de bois. Personnellement, je baissais les yeux, je n’osais pas croiser le regard de mon président… Ça reste un événement marquant de ma carrière. »

« Et maintenant, je veux renvoyer l’ascenseur. » Papa depuis quatre mois d’un petit Jules, Thomas, technicien biomédical à l’Hopital Bretonneau dans le civil, découvre une nouvelle vie et il apprécie. « Je me suis rendu compte qu’auparavant tout tournait autour du rugby. Comme je jouais, les repas de famille, les anniversaires étaient décalés à cause de moi. J’ai pris conscience de tous les sacrifices consentis par mes proches. J’ai connu une première partie de vie un peu égoïste, maintenant, je veux renvoyer l’ascenseur. J’ai imposé le rugby à ma femme Ingrid et à mes parents. Il est temps de changer. Désormais, priorité à ma famille. »

« Je ne serai jamais très loin… » Dans l’histoire, Rougebec va-t-il abandonner le rugby… La réponse fuse. « Je ne serai jamais très loin, avoue-t-il. Pas question d’être présent aux entraînements et tous les dimanches. Ce temps est révolu. Dans les tribunes, je serai le premier supporter de l’UST. Je ne vais pas tourner la page aussi vite. Il faut que les potes s’attendent à recevoir des textos pour les piquer. »

L’amour du maillot et des potes l’habiteront toujours. Rougebec, le passionné, gardera toujours cette analyse lucide. Il sera là pour jouer le rôle du grand frère et donner un conseil. Et restera toujours le bienvenu à Tonnellé.

BERTRAND BOURGEAULT

Le jardinage, une des passions de Thomas Rougebec, ici en compagnie de sa chienne Polka.