Depuis dimanche à Agen, Thomas Soulié est vice champion du monde militaire de rugby à 7. Compétiteur dans l’âme, le numéro 8 tourangeau n’est qu’à moitié satisfait. Il rêvait d’être champion du monde et il a échoué. Entretien après cette performance XXL, avec un sacré bonhomme, un super type, qui a porté très haut dans le ciel d’Armandie les couleurs de l’US Tours. Tu peux être fier « Poulpi » …
Arrivé lundi soir en gare de Tours après un crochet par Vierzon, où l’avait déposé en voiture son manager, Thomas Soulié est rentré épuisé physiquement et surtout mentalement, après un périple éreintant, qui l’a tenu éloigné de son quotidien à Melting Forme (Centre sport santé) depuis un mois. Dormir et récupérer étaient ses deux priorités.
Après la défaite face au Royaume Uni, quel sentiment prédomine ?
Thomas Soulié. Je n’arrive pas à me défaire de la frustation, qui m’habite. Je suis toujours dedans. Clairement, ils étaient meilleurs que nous, mais nous n’avons pas joué notre finale. Nous nous sommes laissés submergés par l’enjeu et l’émotion. En face, il y avait de sérieux clients, dont certains ont joué en World Series à Londres. Dès qu’ils accéléraient, ils faisaient la différence. On perd 24-10, mais j’ai l’impression qu’ils pouvaient scorer à tout moment.
Cinq victoires, un seul revers, votre bilan est toutefois positif ?
T.S. Même si nous sommes passés à côté de la finale, on peut avoir des motifs de satisfaction, car on les a chamboulés dans certains secteurs de jeu. Pour l’avenir, il faudra s’appuyer là dessus, mais perdre en finale, que c’est dur à accepter (il rumine). J’en ressors frustré.
A vos yeux, que représente ce brillant parcours au Mondial militaire ?
T.S. Depuis deux saisons, je me suis pleinement investi dans ce projet. N’hésitant pas à prendre un préparateur physique perso, alors que c’est mon job. J’ai soigné ma nutrition. Avant les compétitions, je faisais attention à ne pas trop boire, ni faire d’écarts. Je me suis beaucoup organisé pour pouvoir m’entraîner en dehors du travail. Cela m’a demandé beaucoup d’efforts et de sacrifices, mais je ne le regrette pas. J’ai appris beaucoup de choses sur les autres et, surtout, sur moi.
Que voulez-vous dire ?
T.S. Sur un plan personnel, je me suis découvert des aptitudes à aller puiser au fond de moi-même des ressources personnelles insoupçonnées. Notamment sur des tournois où je pensais être cramé. C’est le fruit de mon travail. Pendant le confinement, je me suis entraîné à 7h du mat. Même quand j’étais en déplacement avec le volley (TVB), je trouvais le moyen de faire ma séance. Ce Mondial m’a fait grandir. J’en ressors plus fort. Je sais désormais que je peux encore aller plus loin.
Au début de l’aventure, quels étaient vos objectifs ?
T.S. Au départ, je voulais simplement participer. Voici deux ans, je me suis dit que je ne voulais pas être le joueur le plus nul de l’équipe. Un an plus tard, j’ambitionnais d’être parmi les meilleurs. Au final, depuis quelques mois, nous avons basculé sur le projet collectif. On s’est dit, on est chez nous, c’est la première édition, si on veut le faire, c’est maintenant. Pourquoi ne pas aller au bout et être champions du monde.
Vous ne passez vraiment pas loin…
T.S. Cette deuxième place, elle est très dure à encaisser. Sincèrement, je rêvais d’être champion du monde. Tous les a-côtés, les merveilleux moments vécus avec ce groupe génial font qu’au final je ne suis pas déçu.
Comment avez-vous vécu ces intenses moments de bonheur ?
T.S. Au delà de toutes mes espérances. C’est incroyable ce qui m’est arrivé ce week-end. Je suis allé de surprise en surprise. Mes parents sont venus. Tout comme un couple d’amis de Toulouse. C’était vraiment top. Claire (Longomba), ma collègue du boulot, a récupéré Victoire, ma copine. La veille, elle a écourté son pot de thèse alors que c’était la consécration de ses études. Elles sont parties, vendredi à 5h du matin. Plus six amis du Gers habillés de la même façon arrivés avec une pancarte de soutien géante. De superbes émotions.
Quel a été le temps fort de ces trois jours à Agen ?
T.S. D’avoir la légitimité de chanter la Marseillaise pour mon pays. De même, je ne voudrais pas oublier la multitude de messages d’amis, de gens que j’avais perdus de vue.
Cette médaille va-t-elle changer votre vie ?
T.S. Non. Mon comportement restera le même. Et puis, nous ne sommes pas champions. Voilà pourquoi j’ai envie de vite repartir au travail.
« Des types formidables, des amis pour la vie »
Que vous a apporté cette expérience avec les militaires ?
T.S. J’ai découvert des types formidables, qui adorent leur métier et leur pays. C’est important pour moi. Nous avons un vécu collectif énorme. Depuis le rassemblement à Fontainebleau, nous avons réussi à vivre un mois ensemble sans le moindre anicroche. A l’arrivée, je n’ai que des souvenirs fabuleux, je me suis forgé des amis pour la vie. J’ai vécu une aventure humaine enrichissante et super positive.
Et maintenant vos futurs objectifs ?
T.S. Il me reste encore quelques mois de contrat. Si je parviens à faire le boulot, je peux être prolongé. Nous avons des ambitions pour la suite. On a déjà Dubaï en décembre, mais on s’est promis de gagner un tournoi du circuit élite. Ce groupe vit bien ensemble, maintenant on doit arriver à gagner ensemble.
Ce nouveau statut vous donne des idées pour la suite ?
T.S. Bien sûr. Si je veux être performant avec l’équipe de France militaire, je me dois d’être exemplaire en club et chercher à encore progresser. Cela passe par là. Quand je prend une licence à l’US Tours, ce n’est pas pour faire de la figuration.
Avez-vous un message à transmettre à vos potes du club ?
T.S. Je me suis rendu compte, lors de cette aventure collective, que lorsqu’on respecte les régles, qu’on joue pour le collectif, on arrive à se transcender. C’est en résumé ce qu’il a manqué à l’UST cette saison. Si nous arrivons à le mettre en place, le groupe grandira et deviendra performant. Au risque de passer pour un vieux grincheux, je voudrais insufler cet état d’esprit militaire. Les joueurs doivent comprendre que l’effort doit venir d’eux. A l’UST, les joueurs sont trop consommateurs, pas assez acteurs.
Propos recueillis par BERTRAND BOURGEAULT
Leur parcours. France – Ouzbekistan (42-0), France – Corée du Sud (40-14), France – Côte d’Ivoire (54-0), France – Espagne (56-0). Demi finale : France – Australie (45-0). Finale : France – Royaume Uni (10-24).