La venue du Rheu, dimanche à Tonnellé, marquera la dernière séance de Bastien Biet. A 29 ans, le jeune et bouillant troisième ligne a décidé d’arrêter. Si cette nouvelle constitue une lourde perte pour l’UST, elle risque aussi de surprendre plus d’un supporteur des « orange et bleu », couleurs auxquelles Biet est profondèment attaché. Avant de baisser le rideau, Bastien a tenu à s’expliquer. Témoignage émouvant et riche d’enseignements.
Même si l’information était dans les tuyaux, son officialisation va alimenter les conversations dans les gradins de Tonnellé et le microcosme du rugby régional. Après avoir signé sa première licence à Touraine Plus à l’âge de quinze ans, Bastien Biet, le Vendéen de Challans, débute en équipe première de l’UST, lors de la saison 2011-2012, moment où Tours est rétrogradé de Fédérale 1 en Fédérale 3. « J’étais encore un minot, confesse-t-il. J’ai eu la chance que Xavier (Guillemet) et Laurent (Tavard) me lancent dans le grand bain. »
Depuis dix ans, Bastien a endossé le numéro 6 pour ne plus jamais le quitter. « Je n’ai jamais joué en B de ma vie », précise Bastien. A l’aile de la troisième ligne, le garçon se taille une solide réputation. Quand il ne perfore pas les rideaux défensifs adverses, il sort la « faucheuse » pour désosser l’adversaire. « L’homme aux trois poumons », comme le surnomme les connaisseurs, aurait pu faire carrière ailleurs, tant les qualités de l’homme et du joueur le prédisposaient à évoluer à un niveau bien supérieur. Tonnellé était son jardin et le restera à jamais. Alors Bastien, le fidèle, a fait les beaux jours de l’UST. Avec les potes de sa génération. Les Etienne Sébillet, Jordan Marmier, Thomas Guénerie ou les plus âgés Fabien Petit, Jérémy Dioton, Pierre Alexandre Barré, Thomas Rougebec et, bien sûr, Thomas Soulié. Les années ont passé, la roue a tourné et tous ou presque ont arrêté…
« Le rugby va me manquer…. »
« La plupart des gars avec qui j’ai commencé ne sont plus là, souligne Bastien. Je suis un des derniers rescapés. Dimanche, à 29 ans, cela va me faire bizarre de tourner la page, car, physiquement, je peux encore jouer sans aucun problème. Ce n’est pas mon corps qui me fait arrêter…» Alors quelles sont les raisons ?
« Tout au long de l’année, raconte-t-il, j’ai longuement réfléchi et pris la décision voici trois à quatre mois. Ouais, forcèment, le rugby va me manquer. Cela va me changer la vie, mais d’autres centres d’intérêt prendront le relais. Cependant, je vais devoir trouver une activité physique pour ne pas trop m’empâter. Peut-être que, dans un moment, j’aurais envie d’y retourner…Je ne ferme pas la porte à un éventuel retour, mais, actuellement, il est urgent et impératif que je coupe. »
Son discours se veut structuré. On sent qu’il pèse ses mots et qu’il ne veut contrarier personne. Tout simplement, il cherche à faire passer un message et permettre à certains d’ouvrir les yeux.
« Je ne prends plus aucun plaisir, avoue Bastien. Aller m’entraîner, partir aux aurores des dimanches entiers pour aller jouer et rentrer le soir à minuit, cela ne me convient plus. C’est trop prenant. Je me suis toujours dit que le jour où j’irai au stade en reculant valait mieux que je stoppe. Je ne veux pas faire l’année de trop. Le rugby reste ma passion, mais je préfère stopper avant que cela devienne problématique. Dans les conditions actuelles, je n’ai pas envie de poursuivre. »
Compétiteur dans l’âme, Biet rêvait sans doute d’un parcours plus valorisant. « Les résultats ne sont pas là, fait-il remarquer. Cela doit compter. Même je ne me considère pas comme un vieux, j’admets, par ailleurs, rencontrer des problèmes générationnels. Je ne me retrouve pas totalement dans la manière de penser et de se comporter de certains de mes coéquipiers. Ca impacte sur mon plaisir. Je n’ai pas les mêmes motivations, ni les mêmes envies. On ne s’investit pas de la même façon. A l’arrivée, cela me gêne et me bloque. »
Après avoir assené quelques vérités, Bastien jette un rapide coup d’oeil dans le rétro, en guise de testament. « La saison 2016-2017 reste le temps fort de ma carrière, assure Biet. Nous avions une équipe soudée. Ce n’est pas le niveau de jeu qui nous a emmenés en finale mais la valeur du groupe. L’échec en finale devant Périgueux (46-6) est sans doute le plus mauvais souvenir. Tout comme les multiples descentes administratives, les nombreuses errances de l’UST, qui font qu’on aime, autant qu’on déteste l’UST. »
Garçon droit et intégre, Biet confesse aussi vouloir passer plus de temps avec Chloe, sa compagne et Lou, sa puce de bientôt deux ans. Il pense aussi à Soulié, dont il est très proche.
Soulié « Triste de me retrouver orphelin »
« Thomas va continuer, c’est bien pour lui, se réjouit-il. Malheureusement, malgré notre profonde amitié, je ne peux pas faire tous mes choix en fonction de lui. Je sais que ma décision l’embête, j’espère que le prochain recrutement sera de qualité et permettra de lui procurer du plaisir et, peut-être, de relancer une dynamique positive derrière. »
Soulié appréciera. En attendant, son voisin de la troisième ligne concède avoir vécu une sale semaine. « Je suis triste et malheureux de me retrouver orphelin, reconnaît Soulié, je respecte sa volonté mais j’ai vraiment du mal à me faire à l’idée. Bastien est quelqu’un que je tiens en très haute estime. Pour rendre service à son club, il s’est tellement investi à tous les niveaux qu’il s’est épuisé. L’extra sportif a pris le dessus et lui a bouffé son plaisir sportif. C’est humain. A l’arrivée, il n’en récolte pas les bénéfices. Et il en arrive à un véritable ras-le-bol. »
Voilà comment et pourquoi, Bastien Biet, l’inamovible et irremplaçable numéro 6 de l’UST annonce vouloir prendre du recul. Est-ce une sortie définitive ? On en doute…Seul l’avenir le dira. Et si le gratteur tourangeau éprouvait tout simplement le besoin de souffler pour mieux repartir…
BERTRAND BOURGEAULT
Jean Jacques Etamé, Quentin Barré et Julien Guerche ont, eux aussi, émis le souhait d’arrêter leur carrière. A part, Barré, blessé, les deux autres joueront leur dernier match à Tonnellé.