Jean-Yves Nau n’est plus. Il nous a quittés dimanche dernier au petit jour. C’est Jean-Daniel Flaysakier, son vieux complice de la première ligne du Tours E.C., où les deux hommes se sont connus, avant de se lier d’une profonde amitié voilà maintenant plus de cinquante ans, qui a officialisé la triste nouvelle sur son compte twitter.
Aussitôt l’annonce de sa disparition s’est répandue comme une traînée de poudre. Elle a suscité d’innombrables messages d’émotion, de reconnaissance et de soutien à la mémoire du vaillant talonneur, que j’ai, moi-même, connu sous les couleurs du T.E.C, club, au maillot jaune et noir, grand rival dans les années seventies, de l’US Tours.
Avant que j’embrasse également la profession de journaliste sportif au Parisien, nous avions évolué ensemble au sein du XV universitaire de la Faculté de Tours. Que de soirées aux Trois Rois, place Plumereau, au Longchamp rue du Commerce ou ailleurs avons-nous partagé entre rugbymans, étudiants en droit ou carabins. Depuis, nous ne nous n’étions jamais perdus de vue. Au gré des événements, nous nous retrouvions parfois, dans la capitale, au Parc des Princes, puis au Stade de France pour suivre le Tournoi des Cinq Nations. Avec l’ami Jean Cormier, autre Prince des nuits parisiennes, il nous arrivait de boire le verre de l’amitié dans les pubs du quartier Saint Germain, du côté de la rue de la Soif, pour refaire le match et descendre quelques bouteilles du vieux terroir tourangeau, que Jean Yves, cet amoureux éternel des vignes du Seigneur, appréciait tant. Voici bientôt deux ans, Nau avait tenu à m’accompagner aux funérailles de l’ami Jeannot en l’église Saint Sulpice à Paris. C’est dire s’il cultivait l’art de l’amitié.
Garçon extrêmement secret, très cultivé, l’ami Nau, à la voix nasillarde, avait du mal à se livrer, mais quand il était en confiance, il était prêt à tout donner. Son esprit d’analyse, de concision et son phrasé, si particulier et si brillant, m’ont été d’un précieux secours dans la rédaction du livre sur les 120 ans de l’UST, auquel Jean-Yves a d’ailleurs participé en rédigeant (voir par ailleurs) le chapitre intitulé « C’est moi, votre vieux stade, qui vous parle ». Nau, tantôt taiseux, tantôt provocateur, était sorti du silence pour évoquer ce « cloaque, ce ruau » de Tonnellé, la brasserie Webel, les abattoirs municipaux ou encore l’usine Schmid.
Flaysakier : « C’était mon frère »
C’est même à son pote de cinquante ans, Jean-Daniel Flaysakier, que l’on doit le titre de l’ouvrage à la gloire de l’UST, «
Tonnellé raconte ». Même s’il éprouve un énorme chagrin, nul n’est mieux placé que l’ancien responsable « santé
médecine » à France 2, de 1980 à octobre 2018, pour évoquer sa mémoire. « Jean-Yves, c’est mon ami, mon frère », avoue-t-il des trémolos dans la voix. Des anecdotes de leur jeunesse, Flaysakier en a en pagaille. L’une d’elles lui revient. « Avec nos potes carabins, nous aimions pousser la chansonnette le soir dans les restaurants. Notamment les opérettes de Luis Mariano. Comme nous ne nous refusions rien, nous avions baptisé pompeusement le groupe les voix d’or. Quelle rigolade. Jean Yves chantait comme une casserole, mais nous le gardions, car c’était notre parolier », se souvient Jean-Daniel, parrain de son fils, Jean-Clément.
« Il était brillant, reconnaît-il. Un journaliste exigeant avec lui même comme avec les autres. Il avait ce côté paysan, du type qui ne se livre pas. Je le comparais souvent à un cep de vigne, tant ses racines étaient solides. Pourtant, sa vie n’a pas été un long fleuve tranquille, car il a traversé des périodes de tempêtes et connu de gros pépins de santé, mais il était résistant. Jamais déraciné. » Jusqu’au jour où la maladie a eu le dernier mot.
Beaucoup s’étonnait, ces derniers mois, de ne plus le voir circuler à vélo dans les rues de Tours pour se rendre aux Halles ou au marché le dimanche Place Rabelais. « Comme la maladie gagnait du terrain, ajoute encore Flaysakier, il avait décidé de couper les ponts avec tout le monde. Très pudique, il s’est tapi comme un animal blessé pour partir en silence.»
Le 20 septembre, sur son blog journalisme et santé publique @jyvesnau annonçait « En dépit d’une actualité foisonnante, ce blog va interrompre ses publications quotidiennes durant quelques jours, écrivait-il. Le temps, pour les lecteurs et l’auteur, de faire une courte pause avant de reprendre ensemble et au plus vite. Merci de votre fidélité. A demain. J.-Y.N. »
Lui seul savait que jamais il ne reprendrait la plume. Dimanche matin, l’ami Jean-Yves s’est endormi dans les bras de Cécile, sa fidèle compagne, qu’il chérissait tant.
Bardet : « Jean-Yves était un épicurien »
C’est avec une immense tristesse, que Jean Bardet, son ami restaurateur de 33 ans, a appris sa disparition. En sa mémoire, le célèbre chef cuisinier a accepté de remettre le couvert et d’ouvrir la boîte aux souvenirs pour lui rendre un vibrant hommage. « Jean-Yves tenait bien à table, il aimait bien lever le coude. C’était un épicurien dans l’âme. Notre grand jeu était d’imiter les hommes politiques. Il était plein d’humour et imitait à merveille Lionel Jospin. J’étais son aîné de onze ans, mais, entre nous, on s’amusait bien. Je l’aimais beaucoup. C’était un être très intelligent. Il m’a beaucoup apporté. Il évaluait les choses d’une manière extraordinaire. Tous les deux, nous avions collaboré pour écrire « Faim de
mots », un très beau bouquin. Cela nous a pris trois ans de … rencontres hebdomadaires pour formaliser les textes, accompagnées comme il se doit d’une bonne bouteille. »
Grand amoureux du vin, Jean Bardet – Covid-19 oblige – ne pourra assister aux obsèques. « Jeudi midi, à sa mémoire, prévient-il, je me mettrai un petit verre de Bourgueil derrière les oreilles. Avant prochainement d’aller me recueillir sur sa tombe à Ingrandes. »
Comme beaucoup de ses amis, qui le pleurent aujourd’hui.
« Désormais, résume joliment son copain Flaysakier, le Bourgueil aura le goût salé des larmes. »
Le style et la passion de Nau pour le journalisme et la médecine vont terriblement nous manquer. « Gageons que, par la pensée, d’où tu te trouves, Jean-Yves, tu sauras nous accompagner. Adieu l’ami. »
BERTRAND BOURGEAULT
Très attristée du départ de Jean-Yves Nau, qui était un fidèle habitué de Tonnellé, l’UST présente ses sincères condoléances à Cécile, sa compagne, Joséphine et Jean-Clément, ses enfants, Pascale, sa sœur, ainsi qu’à toute sa famille.