Raymond Laval, Kiki Grangeneuve, Bernard Vignau et Bernard Bouygues, un fameux carré d’as, qui fit les beaux jours du Stade Poitevin, dans les années 68-71, avant de venir relancer le rugby en Touraine. Retour sur un passé glorieux de quatre garçons charmants et talentueux à la forte personnalité.
Laval – Bouygues, quelle merveilleuse paire de centres! « Avec eux, tu pouvais voyager, répétait souvent » le regretté Titi Vignau. Les deux hommes aimaient tamponner. En défense, il fallait se les coltiner. C’étaient de sérieux clients. Ils aimaient filer des cartouches. A l’époque, ils étaient répertoriés, en défense, comme la septième meilleure paire de centres de France. On comprend mieux qu’avec deux guerriers pareils, le Stade Poitevin, promu au sein de l’élite, soit parvenu à tirer son épingle du jeu aux quatre coins de l’hexagone. Au point de sortir quatrième de poule derrière Tarbes, Grenoble et Biarritz et devant Quillan, Mauléon, Tulle et le PUC. Il fallut le grand Béziers de Raoul Barrière, surnommé le sorcier de Sauclières, pour stopper cette bande de joyeux drilles (19-0) en seizièmes de finale, à Montauban.
« Les trente grains à Tarbes, c’est ma grande fierté… »
L’oeil toujours aussi goguenard, Laval, ce redoutable défenseur, précise avec malice. « Dans la saison, j’ai joué treize matches sur quatorze. Jamais, nous n’avions été ridicules. A Tarbes, je suis absent et Poitiers encaisse cinq essais et on prend …trente grains. C’est ma grande fierté » en rigole encore l’enfant de Castillonnés dans le Lot et Garonne.
Bien que jouant à Poitiers, Raymond habitait déjà à Tours, car il travaillait dans le cabinet d’expert comptable du regretté Jean Pierre Lafond. Le futur président de l’UST, en 1972, flairait le bon coup et attirait Laval dans ses filets. A cette bonne pioche, Lafond allait ajouter le Landais de Peyrehorade, Jacques Darbas, tandis que Robert Bebien, lui aussi disparu, parvenait à séduire Kiki Grangeneuve. Avec un tel trio, l’UST allait renaître de ses cendres, avant que Bernard Bouygues ne débarque, le 2 mai 73, en compagnie de Bernard Vignau, sans doute le plus fluet, mais qui s’avérait vite un redoutable chef d’orchestre malgré son côté un peu dilettante.
C’était le temps des copains. Laval se souvient. «Quand je suis arrivé, je logeais pas loin du boulevard Heurteloup. J’avais une chambre. Avec Kiki et Jacquot, nous étions en colocation. Je me devais de veiller sur eux. Le matin, pour qu’ils puissent embaucher à l’heure, il me fallait utiliser la trompette, car ces joyeux fêtards avaient de grosses difficultés pour se lever…Sans moi, la Banque de Jacquot aurait fait faillitte. »
Grangeneuve et Darbas en curés
Il est vrai que le tandem Grangeneuve – Darbas n’était pas avare de plaisanteries. Un soir de réveillon, ils avaient débarqué au café de l’Univers en… curés. Déclenchant l’hilarité générale.
Sur le terrain, ils s’entendaient comme larrons en foire. Guère avare d’anecdotes, Laval ouvre encore le livre des souvenirs. « Avec Kiki, j’avais sous la main un redoutable défenseur, tandis que Jacquot était plus porté sur l’attaque et le cadrage débordement. Suivant le jeu de l’adversaire, en tant qu’entraîneur, je mettais Kiki s’il fallait défendre et Jacques s’il fallait attaquer. Un jour, j’ai mis Darbas et je me suis totalement trompé. Jacques ne s’est pas trop amusé et, moi, j’ai passé mon temps à faire le nettoyage. »
Bouygues « le départ de Vignau
m’a causé un immense chagrin »
Employé pendant dix ans dans l’entreprise de maçonnerie de Marcel Vignier, ancien dirigeant de l’UST, qui s’est éteint voici trois semaines, Bouygues ne regrette pas sa venue en Touraine. « Le rugby m’a permis de me faire des amis pour la vie . » Dominique Souvent, Bernard Labrande, Jean Paul Carlat, Christian Falip font partie de sa garde rapprochée. « Nous partons souvent en voyage ensemble. »
Fidèle en amitié, Bouygues, par ailleurs, ne s’est jamais remis du départ de son ami Vignau. « Titi, c’était une pointure. Il était sur une autre planète, confesse Nanard. Son départ m’a causé un immense chagrin. Il incarnait la joie de vivre. On le surnommait la branlette. T’as bein le temps! Il n’y a pas le feu au lac étaient ses expressions favorites. Sur un terrain, il s’amusait et faisait jouer les autres. Il puait le rugby. Par contre, quand les gros arrivaient, il s’écartait. Jamais, il n’a fini un match à l’hopital. Tu as vu mon gabarit »,me disait-il.
Sacré Vignau. Il n’avait que des amis. Tout le monde l’adorait. L’UST a perdu là un formidable éducateur. De ses débuts à Tours, Bouygues en garde un goût d’inachevé. Regrettant de ne pas avoir pu revivre une aventure aussi belle qu’à Poitiers. « Raymond (Laval) m’a fait venir, mais il est parti à Toulouse, l’année où je suis arrivé, pour des raisons professionnelles. Sportivement, il m’avait prévenu me disant là-bas, à Tours, il joue avec un ballon mais ce n’est pas du rugby (sic). »
Qu’importe, Bouygues restera au club très longtemps. S’il a pris un peu de recul vis à vis du rugby, Bouygues sera encore présent dimanche à Tonnellé. Toujours aussi méticuleux et passionné, il s’appuiera sur la main courante devant le club house pour décortiquer le jeu des deux équipes en espèrant voir du beau jeu, car c’est toujours sa priorité.
Bertrand Bourgeault