Estève : « Je sens que l'attente est importante »

17 novembre 2020

Estève : « Je sens que l’attente est importante »

Depuis une grosse semaine, la Ligue du Centre-Val de Loire compte un nouveau président. Rodolphe Estève, un Tourangeau de 54 ans, a, en effet, succédé à André Prigent, désormais membre du Comité Directeur de la Fédération. Pour la première fois, dans le microcosme du rugby régional, le pouvoir revient à un élu originaire d’Indre et Loire. Portrait et découverte d’un passionné.

Alors qu’il était tranquillement chez lui, dimanche après midi au Château de la Grille, à Chinon, à récupérer d’une semaine chargée, en regardant un reportage sur Laurent Paganelli, Estève s’est livré longuement. Acceptant de commenter sa prise de fonction, la composition de sa liste, ses projets et même de faire un retour en arrière pour retracer son parcours.

Soulagé et surpris. Dans un premier temps, le néo-président de la Ligue est revenu sur une nomination, qui va changer sa vie. « Les dernières minutes avant la proclamation des résultats ont été très fortes sur le plan émotionnel, raconte Estève. Cela m’a rappelé l’époque où tu es sur un banc de touche, avec un brassard rouge, et que tu vis les dernières minutes d’un match. Tu mènes de peu, tu ne dois pas commettre de fautes et tu défends ta ligne. L’attente était aussi forte. Avec au bout un immense soulagement. »

Un intense bonheur, aussi, qu’il partagera rapidement, à distance, avec Bernard Laporte. « Il a été l’un des premiers à me féliciter. J’ai été surpris et très sensible à son appel », avoue l’actuel président du Comité Départemental 37, à l’origine de la venue du président de la F.F.R, voici deux ans, à Chinon, lors du derby face à l’UST, le 25 mars 2018. Depuis les deux hommes ont sympathisé et sont devenus amis.

Mise au point. Les querelles de clochers entretenues après l’invalidation de la liste du Blésois René Rabineau pour une erreur administrative (NDLR: un recours a été déposé auprès du CNOSF) ont instauré un climat surréaliste tout au long de cette campagne. Même s’il n’entend pas s’appesantir sur le sujet, Estève ne se prive pas de tacler ses opposants. « Quand un dirigeant remplit une feuille de match, illustre-t-il, il ne met pas un joueur suspendu ou un non licencié. A un moment donné, il faut savoir perdre. » Rideau.

Une liste équilibrée et apolitique. Le leader d’« Agir, avec et ensemble » préfère présenter son équipe forte de 24 membres contre 15 auparavant. Avec notamment huit femmes. « En priorité, je voulais des gens motivés, compétents et expérimentés, plus des besogneux que des personnes identifiées. De même, ma volonté était de rajeunir les cadres. Pari réussi, puisque la moyenne d’âge est de 48 ans. C’est ainsi que sur le plan compétence, j’ai fait appel à Jean-Loup Hadjadj pour le médical. A 59 ans, on ne le présente plus. Ostéopathe reconnu au niveau national, dirigeant FFR, en charge de l’équipe de France à VII depuis des années. Une superbe pioche. Bien qu’elle poursuive ses études de kiné en région parisienne, Pauline Biscarat, licenciée à Joué-les-Tours, nous rejoint aussi. Internationale à VII pendant dix ans (2009-2019), elle va s’occuper du haut niveau et du développement du rugby féminin. C’est une vraie valeur ajoutée. »

Au sein de cette équipe fortement renouvelée, qu’il veut dynamique et attractive, Estève a fait appel à deux licenciés de l’UST, Patrick Aoustet et Catherine Meigneux. « Le premier sera notre trésorier, annonce-t-il. Il a l’amour des chiffres et bosse dans une Banque. Quant à la seconde, dirigeante à Tours, elle a mis en place le rugby féminin loisir en 2011. Par ailleurs, en recrutant Patrick Kellogg, j’ai fait coup double. Il est dirigeant au Howard Hinton Sevens et, par son poste de correspondant à la N.R., c’est un témoin privilégié des problématiques des clubs. On peut aussi ajouter David Gaudron, qui développe le rugby loisirs à Langeais.

Autre précision d’importance, j’ai voulu un certain équilibre au plan de la représentation départementale. Enfin, cette liste se veut apolitique. Chacun a ses propres sensibilités religieuses ou politiques. Chez nous, il y a des pro Laporte et des pro Grill. Ce n’est pas un obstacle. Même si le projet fédéral de Laporte me convient parfaitement, j’ai veillé à ce que les deux sensibilités soient présentes. »

Avec la casquette de chef d’orchestre. « Depuis une semaine, j’ai repris ma vie de voyageur », commente Rodophe. De Chinon à Olivet, il effectue régulièrement 340 kms par jour pour 3h 30 de trajet. « Je ne me plains pas, estime ce fonctionnaire territoriale à la ville de Joué les Tours. Actuellement, je consacre douze heures par jour à ma nouvelle fonction. C’est long mais passionnant » avoue celui qui s’attribue plus une casquette de chef d’orchestre que de patron. Avec douze salariés, la Ligue revêt la dimension d’une entreprise. « Je sens que l’attente est importante » fait remarquer Estève. Vu qu’il entend insuffler un souffle et un état d’esprit différent, cela prend du temps. Avec ses deux fidèles lieutenants, comme il les a baptisés, Bruno Clinard, futur responsable du sportif et Benjamin Castel, le secrétaire général, tous deux de Chartres, Estève multiplie les entretiens avec les administratifs et les techniciens, avant, plus tard, d’en faire la synthèse.

Cinq axes majeurs. Avoir un espace de dialogue social constructif, constituait sa première priorité. Sa seconde action sera de faire un audit financier pour savoir exactement l’état des finances. Ensuite, Estève se penchera sur la formation. Tout d’abord la sienne. « Je ne suis pas né pour être président de Ligue », souligne-t-il. S’il découvre, il va discuter, regarder, visiter pour voir ce qui se pratique dans d’autres Ligues. Tout mettre en œuvre ensuite pour que son collectif atteigne une dimension régionale. Enfin, il entre dans son plan de créer des événements majeurs. A l’été 2021, il entend faire un séminaire de plusieurs jours, où il rassemblera un maximum de joueurs, entraîneurs, éducateurs, bénévoles et personnalités. Une fête grandiose un peu à la manière de l’A.G de la Fédération française de rugby.

Tel est le copieux programme que s’est fixé Rodolphe Estève.

« C’est ton destin ». Après avoir été successivement joueur, entraîneur, dirigeant et, enfin, président du Comité départemental d’Indre et Loire, Estève, licencié depuis 35 ans à la F.F.R, a estimé que briguer un mandat de président de la Ligue était légitime. Alors, à 54 ans, le Tourangeau s’est jeté à l’eau. Catherine, son épouse et meilleure conseillère, l’a même poussé. « C’est ton destin, je ne vais pas te l’interdire » lui a-t-elle déclaré.

Voilà comment et pourquoi Estève s’est lancé dans l’aventure.

Après avoir longuement évoqué sa future mission de président de la Ligue du Centre-Val de Loire, Estève a bien voulu raconter ses origines et son parcours. Ecoutons-le.

En arrière plan, on reconnaît Rodolphe Estève entouré de deux membres de son équipe, Benjamin Castel (à g) et Bruno Clinard (à dr.)

De Joué à Chinon, en passant par l’UST

Né à Tours le 27 octobre 1966, Rodolphe a été élevé dans la propriété de ses parents à Sazilly, petite commune située à une dizaine de kilomètres de Chinon. Curieusement, Bernard Coutant, l’ancien président de l’UST, possédait un bien au même endroit. A l’adolescence, il sera étudiant au Lycée agricole de Fondettes (81-83). « A l’époque, se souvient-il, je jouais au foot et j’aimais la musique. »

En 1986, tout bascule. Il découvre le ballon ovale et signe sa première licence à Joué-les-Tours. « J’étais à l’armée et, un jour, mon adjudant m’a emmené à un entraînement. J’avoue avoir eu le coup de foudre. A part la forme du ballon, je n’y connaissais rien. J’ai découvert et adhéré immédiatement. » Un ou deux… apéros et l’affaire était dans le sac. « J’ai adoré l’accueil des mecs et l’état d’esprit. » Voilà comment Estève est tombé amoureux de ce sport.

L’histoire ne faisait que débuter. Tour à tour, Rodolphe évoluera en première, deuxième ou troisième ligne, avant de finir ailier comme tous les débutants (86-95). « J’ai même entraîné en juniors la génération des Chabot et Deschamps », ajoute Estève. Sur le plan professionnel, Robert Bebien le fera entrer à la ville de Joué.

Histoire de s’amuser un peu, avec plusieurs copains, il ira ensuite à Esvres (1995-2002), modeste club de quatrième série avec qui il accédera en Promotion d’honneur. Puis, coup dur. A 33 ans, Estève se pète les ligaments croisés et raccroche les crampons. C’est à ce moment-là que Philippe Briat, revenu cette saison à l’UST, le contactera pour venir entraîner à Tours (2002-2007). Comme la doublette Boulier-Ducelier s’occupait des cadets, Estève, à la tête des juniors, fera équipe avec Thierry Neveu. Pour son plus grand bonheur.

« J’ai vécu mes trois meilleures années d’éducateur, se remémore Rodolphe. Avec les Crabos, nous étions tout le temps ensemble. » Et Estève de citer les noms de Ducalcon, Dubarry, Neveu, Dioton, Barré, Pluviaud, Petit et Aufrère. Que de souvenirs !

Alors qu’il habitait à Monts, il se lance ensuite un nouveau défi. Cap sur Issoudun pour cinq ans (2007-2012). Se tapant au passage 270 kms trois fois par semaine. Quand la passion vous tenaille…

Après Joué, Esvres, Tours et Issoudun, Estève posera ses valises à Chinon (2012-2016), où il est toujours licencié. Cette dernière étape lui permettra de découvrir et d’accompagner Kenny Daamouche dans l’obtention de son diplôme d’éducateur.

A 50 ans, l’heure était venue de tourner la page pour devenir président du Comité départemental d’Indre-et-Loire. La suite, vous la connaissez.

BERTRAND BOURGEAULT

 

 

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