Dioton n’a pas choisi sa sortie

La scène pourrait sembler surréaliste. Pourtant, elle s’est bien produite, jeudi soir à Tonnellé. Depuis plusieurs semaines, Jérémy Dioton venait participer à des séances à toucher avec ses copains. Cette fois, il est arrivé, escorté de son ami Pierre Alexandre Barré. Avec une idée bien tenace dans la tête. Mimi, pour les intimes, s’était juré de remettre le maillot de l’UST une dernière fois. Pour finir avec ses copains Barré et Soulié, l’ami connu à Lavaur dans le Tarn.
A l’arrêt depuis le début de saison, en raison d’un AVC survenu lors du stage d’avant saison à Montoire, Dioton, à son grand regret, n’a pas joué un seul match de l’année. Le rugby et les copains lui manquent terriblement.


Attachant, malicieux voire coquin, Mimi veut forcer le destin, voire la main de Benoît Sebillet, son président. « S’il manque un joueur pour faire le compte, je suis l’homme de la situation… » Tel est le message, qu’il a fait circuler à l’envi. Julien Darthevel et Franck Cohen, les deux entraîneurs, sont interloqués. Ils auraient aimé offrir cet ultime cadeau au gamin de Déols (Indre), chez qui un sang « orange et bleu » coule dans les veines.

« Ce n’est pas raisonnable »
« J’aurais aimé lui offrir ce bonheur, admet Darthevel, mais ce n’est pas raisonnable. C’est trop risqué. Cela ne se fera pas, mais il mangera avec nous et partagera la journée en notre compagnie. »
« Beubeu », un « prési » très proche de ses joueurs, aurait aimé, lui aussi, lui redonner le sourire, mais donner son aval n’aurait pas été très sage. Dioton l’a fort bien compris.
« Je ne le prend pas mal, j’accepte la décision, c’était plus un bonus et un côté symbolique. J’aurais kiffé à terminer en jetant mes crampons à la poubelle. Tant pis, je vivrai ce dernier match des tribunes. Avec mes potes. En buvant une mousse. Le rugby n’est qu’un jeu. Ne pas jouer me rend triste, mais il y a pire dans la vie. Je ne suis pas déprimé, ni inquiet. Ce n’est pas dans mon tempérament. Etant orthésiste à l’hôpital, je croise tous les jours des gens plus malheureux que moi. Après mon accident, je n’ai pas pris conscience de la situation. Ce sont mes proches, ma famille, mes amis, qui se sont plus inquiétés. »

Un garçon aimé et attachant
Sacré bonhomme. Ses coachs en conviennent.
« C’est un garçon attachant et très sensible, avec qui j’ai partagé tant de bons moments, avoue Darthos. J’ai eu beaucoup chance de le rencontrer. Nous avons beaucoup d’estime et de respect l’un pour l’autre. Je ne veux pas parler pour lui, mais je pense qu’il souffre de ne pas avoir choisi sa sortie. Il aurait aimé fermer le livre lui même .»
Même s’il ne l’a connu que cette année, Franck Cohen se montre élogieux. « Jéremy a toujours la banane. C’est quelqu’un de positif, de compétent. Humainement et sportivement, il est légitime. Si nous l’avions eu sur le terrain, nous n’en serions pas là. J’aurais aimé le rencontrer plus tôt. Il fait partie des gens, qui doivent être conservés dans un club. »
En attendant, à 33 ans, Dioton connaîtra prochainement les joies d’être papa. Audrey, sa compagne, lui offrira cet immense bonheur. Une fois la page tournée, il lui restera toujours la possibilité de jeter un œil dans le rétro et d’évoquer une carrière sportive bien réussie.

Cinq ans à Lavaur, où il découvre Soulié
Après un court passage à l’UST, il émigrera dans le Tarn. A Castres, tout d’abord, où il évoluera trois ans en Espoirs (2005-2008). Il jouera ensuite cinq saisons à Lavaur en Fédérale 1. C’est là, où il découvrira Thomas Soulié, qu’il ramènera das ses bagages en Touraine. Depuis une solide amitié unit les deux hommes. Le post de Soulié mis sur Facebook en témoigne.
« Messieurs, cela aura été un réel plaisir de jouer à vos côtés et un honneur de partager vos couleurs. Des amitiés que seul le rugby peut donner. Avec des gars, dont un simple sourire te rappelle un événement, dont la poignée de main te rassure et dont la bière tendue te fait craindre le pire pour le lendemain matin… »
Très proche de Pierra et de Mimi, Thomas Soulié n’oublie les plans d’enfer que Dioton a mis sur pied au moment où il est venu au Mans pour ses études. « Il a changé ma vie », comme il se plaît à le répéter. Quant à Pierra, il a su nous accueillir chez lui avec Marie Ange, quand j’ai ouvert mon entreprise. Ces deux là donneraient beaucoup pour leurs copains, même trop parfois. »

Les copains d’abord
Cette notion d’amitié, Dioton, le « branleur » qui te harcèle en semaine de coup de téléphone, la revendique. Par fierté, Mimi raconte souvent l’anecdote qui unit ces huit potes pour la vie. « Avant la soirée pour enterrer la vie de garçon de Pierra (Barré), nous nous sommes fait tatouer sur la cheville ou le mollet l’insigne LCDA (les copains d’abord, association crée par Pascal Sassi en souvenir d’Howard Hinton). Lors des mariages, quand nous sommes en costume, nous sommes fiers de pouvoir les exhiber. »
L’amitié, c’est encore ce sentiment si fort qui le ramènera en 2013 à l’UST, entraînée à l’époque par Xavier Guillemet et Laurent Tavard. Pour six ans de bonheur. Le petit lutin (1,63m, 63 kg), qui respire la bonne humeur, fera les beaux jours du club. Tant par son talent que par son état d’esprit.
« Son emprise sur le jeu, prétend à juste titre Thomas Soulié, est indéniable. L’expression « il pue le rugby » a sûrement été inventée pour lui. Il était un vrai relais pour les coachs. En match, il réussissait à débloquer des situations compliquées. Je pense que le mélange de ces deux facteurs nous a manqué cette année, notamment sur la période où les défaites de quelques points se sont enchaînées.»
Au moment où il nage dans le flou le plus total, ces hommages lui iront droit au cœur. « Je suis un peu perdu au niveau de mes besoins, confesse Dioton. Jouer pas rejouer, entraîner ou pas ? Sincèrement, je ne sais pas. De toute façon, j’ai envie de m’investir. »
A quel niveau ? L’histoire ne le dit pas. Alors, partir pour mieux revenir et enfiler un nouveau costume. L’avenir le dira.

BERTRAND BOURGEAULT