Kader : « Je ne suis pas mûr pour la retraite... »

1 juin 2020

Kader : « Je ne suis pas mûr pour la retraite… »

Inutile de le présenter. A Tours, tout le monde le connaît. On l’appelle Kad ou le Kad, c’est au choix, mais jamais Monsieur Kefif. Les surnoms ne lui manquent pas. Avec sa crinière blanche et son bandeau rouge, il ne passe pas inaperçu. Kad, c’est avant tout une gouaille exceptionnelle, une bonhomie et une gentillesse hors du commun. Un cœur énorme, mais aussi une grande gueule. Bref, une figure de légende du paysage tourangeau.

Comme il n’a pas sa langue dans sa poche et qu’il n’engendre pas la mélancolie, nous avons voulu savoir comment Kader a vécu cette période délicate du confinement due à la pandémie du coronavirus.

« L’enseignement majeur que j’en retire, avoue-t-il sans le moindre détour, c’est que je ne suis pas mûr pour la retraite. Ma vie, c’est avant tout le contact humain. Derrière le bar, d’habitude, je vois environ mille personnes par semaine. Le petit bonjour du matin, l’au revoir du soir, çà me manque terriblement. Moi, si je ne parle pas, je suis mort… » Tout est dit ou presque. Histoire sans paroles, ce n’est pas pour lui. Aussi, avant d’aller plus loin, il importe de connaître son parcours…

Âgé de 69 ans, Kader officie très exactement, depuis cinquante cinq ans derrière un comptoir. Un record. « Dès l’âge de neuf ans, je voulais être barman », raconte-t-il avec fierté. Son rêve a très vite été exaucé. Le 5 juin 1965, il débute à 14 ans, par faire la plonge, au Grand Turc, l’une des Brasseries branchées de la ville. « Comme Kader faisait trop arabe, rigole-t-il on m’a vite baptisé Gérard. » Sa carrière était lancée. « A l’époque, se souvient Madame Monvoisin, sa première patronne, désormais centenaire, qui l’a revu récemment, il était gentil, mignon et … bavard. » « Je n’ai pas changé » s’empresse d’ajouter Kad, le roi de la répartie.

Après le Grand Turc, il émigre un moment au Scott, avenue de Grammont, avant de se fixer au Petit Tonneau, rue Gambetta. Il sera ensuite propriétaire à l’Embarkader, rue Lamartine, puis aux Trois Ecritoires, non loin de la Place du Grand Marché. On comprend mieux pourquoi le sosie de Daniel Herrero est connu à Tours comme le loup blanc.

Cinquante cinq jours en prison…

Privé de son bar et du rugby, son autre passion, Kader a donc vécu cinquante cinq jours délicats, entre le mardi 17 mars et le lundi 11 mai. « Ma femme, Marie, était contente de m’avoir auprès d’elle, commente-t-il. Elle a pu profiter de moi, car, d’ordinaire, je suis souvent absent et très peu à la maison. Comme nous étions confinés, je ne pouvais pas trop m’échapper. J’ai donc dû m’y coller et faire le ménage (!). Comme nous avons la chance d’avoir une maison spacieuse, dans le quartier de Tonnellé, j’ai pu m’adonner au jardinage et au bricolage. Chez moi, j’avais une tenue décontracté : short, tee shirt et pieds nus, j’adore. »

Au niveau condition physique, le fidèle dirigeant de la réserve de l’UST avoue être au top. « Comme ma femme cuisine à merveille les spaghettis à la carbonara, nous nous sommes mis de bonnes plâtrées. Cela changeait de d’habitude où, en général, je grignote. Là, comme j’avais le temps, j’ai pu manger et dormir à volonté. La station allongée et le manque d’exercice m’ont été fatals. Avec mon … gabarit atypique (1,68m, 86 kg), je pense pouvoir m’inscrire pour les prochains championnats d’Europe de sumotoris, dans la catégorie des lourds légers. Mon seul souci, c’est que je ne peux pas me baisser, il va falloir y remédier, sinon je ne vais pas aller loin dans la compétition. »

Jamais avare de plaisanteries, Kader a tenu à rassurer Benoît Sebillet, son président. « Vu que nous sommes restés tranquillement à la niche pendant de longues semaines, nous avons accumulé de précieux bons points en vue des futures troisièmes mi-temps… »

Si Prison Break aura été sa série culte durant le confinement, Kader a revu avec plaisir le Dîner de cons de Francis Weber. « Je connais tous les dialogues par cœur, se marre-t-il. Si Didier Bourdon, Bernard Campan et Pascal Légitimus constitue un trio très populaire, avec mes amis Beubeu (NDLR : Benoît Sebillet) et Patou (Edelin), nous n’avons rien à leur envier. Eux, c’étaient les Inconnus, mais, nous, on pourrait nous baptiser les très… connus. Ce film, on pourrait le jouer. »

Désormais en mesure de chanter du Sardou

Réduit trop longtemps au silence, Kader s’apprête à revivre. Il attend mardi matin avec impatience. Le 2 juin, même s’il ne pourra pas faire la bise à ses potes ou serrer des paluches, il va enfin pouvoir repasser derrière le zinc, servir des tournées et remettre la pression en route. Bref, il va retrouver la parole. « Il était temps, s’empresse d’ajouter Kad. Une semaine de plus et j’achetai un ventriloque ! » Et puis, pour terminer, Kader redevient sérieux. C’est rare…

« J’allais oublier le plus important, mentionne-t-il. Cette période de solitude m’a aussi permis de découvrir Michel Sardou. Très fréquemment, je passais ses chansons en boucle, je les ai apprises par cœur. Maintenant, je suis au point. A la première occasion, je vais pouvoir faire une récital à mes copains de l’UST. Ils vont être surpris… »

Rendez-vous pris. Ce sera à coup sûr un grand moment à ne pas manquer !

BERTRAND BOURGEAULT

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